(Re)Découvrez Gaëlle D. authentique, dans une interview illustrée par ses créations (collection My Rock Way x Gaëlle D. )
Qui est cette mystérieuse saveur framboise rose Gaëlle D. ? Raconte-nous un peu ton histoire.
Oh là là… beaucoup de mots mystère, saveur, fruit, couleur… tout ça d’un coup pour moi!
Mon histoire… c’est drôle, une histoire. J’ai eu le sentiment très jeune que ma sensibilité était accrue et je ne savais pas trop quoi en faire, même pas trop l’identifier comme telle. J’ai pratiqué très jeune la danse, la musique, le théâtre, le sport… J’ai failli avoir un parcours très normé qui m’aurait peut-être évité tous ces questionnements, mais cela n’a pas été le cas.
Alors, pour des raisons diverses, très tôt, j’ai été indépendante, et j’ai tracé un chemin pas linéaire qui fait que tu te construis à la fois dans la vie qui bouillonne et dans ta solitude aussi. Et c’est bon la solitude. Tu peux la connaître toute ta vie. Faut l’apprivoiser, s’apprivoiser.
Parles-nous de ta première rencontre avec l’art. Comment est-ce que tu vois l’art ?
Adolescente, j’adorais les artistes peintres, dans ma chambre je me souviens de ces cartes postales qu’on ramène des expos collées au mur, à côté de photos d’acteurs.
A cette époque je n’ai pas le souvenir d’avoir été particulièrement proche d’un peintre ou d’un mouvement en particulier. Mais je la sentais chez moi, c’était en tout cas très proche, presque rassurant cette proximité que je ressentais.
J’écoutais aussi beaucoup de musique qui m’envoyait direct dans le théâtre des dramas, la scène, remarque c’est ce que je faisais devant mon miroir et c’était pas mal ahah
L’art peut être le souffle. C’est un grand mot qui peut effrayer ou mettre de côté. C’est dommage parce que ça touche forcément n’importe qui. Des arts, on peut s’y plonger tout entier. En tous cas, ça peut réconcilier, dire c’est ok. Ca devrait être obligatoire depuis la tendre enfance, partout, pour tous. Et les musées gratuits, obligé, comme en Angleterre.
L’art c’est ton cœur.
Quels sont tes trois artistes préférés ? Quel artiste t’influence le plus ?
Trois, c’est hyper dur. Vous êtes rudes !
J’ai une énorme influence de la musique. C’est peut-être ce qui m’envahit le plus. Et en même temps, je dis ça et je repense quand j’étais dans la dernière salle de Miro à Beaubourg et que sur le banc, sans savoir pourquoi j’ai pleuré une demi-heure… pareil en regardant Alice Neel.
"L’art c’est ton cœur."
Et ma dernière découverte musicale incroyable, Miki Yamanaka en trio avec son album « Chance », une dinguerie. Elle te donne un piano très souple, tu le sens vraiment comme matière et ça circule si bien avec son trio. Elle vient de passer au Duc des Lombards, c’était complet mais je suis prête à aller loin pour la voir.
Et j’en mets un quatrième, le dernier livre d’Anna Dubosc, Koumiko. Anna Dubosc est une écrivaine contemporaine qui te donne les émotions les plus intenses, tu ne sais pas trop comment parce que son verbe est simple, mais elle est là, brute, et ça passe par ta peau à la limite. Faut vraiment la découvrir.
Je peux dire Vuillard bien sûr, un amour infini pour Vuillard. J’aime énormément les tableaux de chambre, de lits… les draps froissés, les corps endormis, le rêve, l’abandon…
Son autoportrait octogonal est un délice, j’en ai même fait mon fond d’écran de téléphone !
Je continue et j’arrête, « The Reflecting Pool » de Bill Viola. Hypnotisant. Incroyable. Un artiste que j’aime aussi beaucoup.
Enfin je pourrais continuer sans m’arrêter !
Mais j’écoute tout, selon les moments, je suis prête à voir, lire. Très ouverte. J’aime bien découvrir et me faire surprendre.
Dans tes photos, tes vases ou la série Kurinuki de la collection My Rock Way, il y a un côté brut mais aussi une grande sensibilité féminine. Comment ta personnalité impacte-t-elle ton art ?
Je n’y pense pas, ça vient comme ça. Je pense que c’est pareil pour tout le monde. Quand tu créés, ça passe par toi, et même si parfois tu as une intention elle passe par tes cellules, ton inconscient, ton cœur sûrement, et quoi que tu fasses, on te retrouve.
Alors peut-être que je suis à la fois très brut et féminine à la fois 😉
Depuis quand es tu en contact avec la céramique ? Pourquoi avoir choisi la terre plutôt que le bois, le verre ou le métal par exemple ?
La terre s’est imposée à un moment où tout était flottant. Ca m’a directement ramenée. Travailler avec les mains c’est déconnectant. Il y a une grande vague en ce moment, plein de reconversion de « quadra bobo céramiste », ça devient même une blague. » J’ai envie de dire go, on s’en fiche, mets les main dans la terre. Après, c’est comme tout artisanat, comme tout art, c’est un engagement, c’est du travail.
Enfin c’est tes journées. C’est toi, en terre, en temps.
"...quoi que tu fasses, on te retrouve."
Nous savons que tu n’es pas uniquement céramiste. Quels sont tes projets à venir ?
Je me concentre beaucoup sur la peinture en ce moment mais je sais que ça va venir dans mon travail avec les autres médiums et supports qui sont les miens. La photo, la vidéo, le Super 8, la terre. Parce que j’aime créer des espaces où il y a du lien avec ceux qui regardent. Et j’ai aussi souvent besoin d’un contrepoint, une photo peut appeler une couleur, un tableau un pot… ça marche ensemble. Comme la musique peut-être.
Donc, voilà, je viens de récupérer un atelier et c’est ma plus grande joie, j’y passerais bien ma vie…
Quelle est la relation entre toi et chacune de ces différentes formes d’art : la photographie, la musique, la peinture, le cinéma, la poterie.
Ça vient à moi les choses. Je ne les convoque pas. C’est assez bizarre. Et les choses viennent avec leur propre medium. Alors moi je ne suis qu’un passeur. Et c’est bon.
Qu’est ce qui te pousse à créer et quelle est ta relation avec l’inspiration ?
Je crois que rien ne me pousse. Il y a des moments où on est peut-être plus disponible, ça arrive plus facilement.
Parfois, ça m’arrive la nuit, je suis persuadée que je m’en souviendrai le matin et quand je me réveille, j’ai oublié. Alors maintenant je note.
C’est assez drôle tout ça. Enfin, ça n’est pas douloureux du moment où tu es ok pour laisser venir, et où tu es ok de produire des trucs que tu n’aimes pas. Tu avances. Ca chemine.
Tout est inspirant, même le quotidien, un rien. Tout.
Faut s’y mettre. Travailler. Travailler. Et ne rien attendre.
"Tout est inspirant, même le quotidien, un rien. Tout. Faut s’y mettre. Travailler. Travailler. Et ne rien attendre."
En tant que maman de 4 enfants, quel est leur rôle dans ta vie, et comment est-ce que tu trouves l’équilibre entre la vie quotidienne et l’art ?
5 enfants en vrai et c’est une chance inouïe parce que j’ai eu mon premier enfant quand j’avais 25 ans, j’avais le sentiment que les enfants devaient juste faire partie de ma vie, qu’on allait la vivre ensemble. Et aujourd’hui je m’aperçois que c’est le plus beau cadeau. Pas que ce soit facile, mais à quel point tu grandis, tu évolues en tant qu’humain avec des enfants, c’est juste fou.
Après travailler avec les enfants c’est une autre histoire. Une peintre l’autre jour disait en riant qu’il fallait bien choisir sa moitié pour pouvoir travailler plus facilement. J’ai ri sur le moment mais elle a totalement raison.
Pas mal d’amis artistes n’ont pas d’enfants, d’autres en ont. C’est sur le temps disponible à travailler que ça joue, en même temps, tu es riche d’eux. Mais tu dois savoir quand tu vas être parent que tu vas totalement parent. Intégralement. Et je crois que ça on ne le dit pas trop. C’est comme si c’était une évidence d’avoir des enfants. Ben non.
En fait toute ta vie change. C’est un engagement. T’es parent avant tout, puisque ta première disponibilité c’est pour les enfants. Donc, c’est des équilibres (et parfois déséquilibre) à trouver.
Après, tes enfants deviennent adultes, comme toi. C’est une sacrée aventure. Un de mes fils me disait dernièrement « tu sais en fait tu pourrais avoir « juste » fait des enfants dans ta vie tellement c’est énorme, tu peux être fière ». J’avais jamais pensé à ça. Comme si c’était inscrusté dans ma vie. Indissociable. Mais c’est une vraie chose en soi. Et c’est bien cool.
"On est bien ensemble non ?"
Tes trois pays étrangers préférés ? Un pays ou un endroit où tu aimerais voyager en ce moment ?
Trois pays ?
Je cale. C’est trop spécial le monde comme il ne va pas en ce moment. J’ai l’impression qu’il se construit en strates et que tu ne peux plus communiquer avec telle ou telle strate. Qu’il n’y a plus de lien. Certaines doivent disparaître… Alors s’envisager comme humain sur terre là, c’est dur. J’aimerais vraiment que chacun, peu importe où, puisse vivre en liberté, disposer de ses propres moyens, de son corps et de son esprit dans le respect de l’autre. Ca devrait pas être compliqué mais si. Ca fout la rage.
Allez je me lance quand même
On va dire l’Écosse, encore la nature sauvage, la mer sauvage.
Avec une maison en pierres, une cheminée, voilà.
Les États-Unis pour rouler rouler rouler. J’adore conduire, j’adore les voitures…
Vivre près de la mer, dans un pays anglo-saxon me botterai bien. J’ai adoré Brighton, voir la mer depuis n’importe quelle rue, c’est assez emballant… Et changer tout, changer de langue, de mode d’expression, j’en rêve.
Est-ce que tu as des animaux ? Une anecdote à partager ?
J’ai deux chats tellement gentils, on dirait un peu des chiens, j’ai eu des chiens, des chevaux, des poissons, des hamsters de labos, et une tortue Dot qui est morte parce qu’elle était sur le radiateur et ça ne lui a pas plu faut croire.
A travers cette interview My Rock Way, quel message as-tu envie de partager/dire ?
J’ai envie de dire qu’on est juste humain et que le meilleur qu’on puisse faire c’est partager notre cœur, parler à notre voisin, simplement, parce qu’on peut vivre bien ensemble. Peu importe nos différences. Faut se parler, se regarder, s’écouter.
Oui, j’ai envie de ça, d’humanité. Simple. On est bien ensemble non ?
Oui. Merci Gaëlle !